Natacha BOX
LE TROUBLE DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) désignent un ensemble de pathologies psychologiques caractérisées par une relation perturbée avec l'alimentation, le poids et l'image corporelle. Ces troubles affectent aussi bien les comportements alimentaires que les aspects émotionnels et psychologiques de la personne. Ils incluent notamment l'anorexie mentale, la boulimie et le trouble de l’hyperphagie boulimique, mais peuvent aussi englober des troubles moins spécifiques. Les TCA touchent des personnes de tous âges, genres et origines, bien qu’ils soient particulièrement fréquents chez les adolescents et les jeunes adultes.
Ces troubles sont souvent le reflet de souffrances psychologiques profondes et sont associés à des complications médicales parfois graves, nécessitant une prise en charge multidisciplinaire impliquant des professionnels de la santé mentale et physique.
Les principaux types de TCA
1. L’anorexie mentale
L'anorexie mentale est caractérisée par une restriction alimentaire volontaire et sévère qui entraîne une perte de poids significative, souvent jusqu’à un état de maigreur extrême. Les individus souffrant d’anorexie ont une peur intense de prendre du poids ou de devenir « gros », même lorsqu’ils sont très en dessous de leur poids idéal. Ils entretiennent une perception déformée de leur corps, se considérant souvent comme plus gros qu’ils ne le sont réellement.
-
Comportements typiques :
-
Restriction calorique extrême.
-
Évitement de certains groupes alimentaires (graisses, sucres).
-
Activité physique excessive pour "brûler" des calories.
-
Obsession pour la balance et les mensurations corporelles.
-
-
Conséquences médicales :
-
Perte de masse musculaire, carences nutritionnelles.
-
Ostéoporose, aménorrhée (chez les femmes), problèmes cardiaques.
-
Fatigue, chute de cheveux, peau sèche et fragilité accrue.
-
2. La boulimie
La boulimie se caractérise par des épisodes récurrents de crises de boulimie, où une personne consomme une quantité excessive de nourriture en un temps limité, accompagnée d’un sentiment de perte de contrôle. Ces crises sont souvent suivies de comportements compensatoires inappropriés, comme le vomissement provoqué, l’usage abusif de laxatifs ou l’exercice physique excessif, pour "annuler" les effets de ces ingestions excessives.
-
Comportements typiques :
-
Consommation rapide et compulsive de grandes quantités de nourriture.
-
Sentiments de honte, culpabilité ou dégoût après les crises.
-
Pratiques compensatoires répétées.
-
-
Conséquences médicales :
-
Déséquilibres électrolytiques (risque cardiaque), inflammation de l’œsophage.
-
Usure des dents causée par l’acidité des vomissements.
-
Troubles gastro-intestinaux et fatigue chronique.
-
3. Le trouble de l’hyperphagie boulimique (ou binge eating disorder)
Ce trouble est similaire à la boulimie en ce qui concerne les crises alimentaires, mais sans comportements compensatoires. Les personnes atteintes consomment de grandes quantités de nourriture, souvent en cachette, jusqu’à ressentir un inconfort physique marqué, mais ne cherchent pas à « compenser » ces excès. Cela entraîne généralement une prise de poids significative.
-
Comportements typiques :
-
Manger rapidement et en grande quantité, même sans faim.
-
Sentiments de culpabilité, honte ou tristesse après les épisodes.
-
Isolement social pour cacher les crises.
-
-
Conséquences médicales :
-
Surpoids ou obésité, avec des risques accrus de diabète de type 2, d’hypertension et de maladies cardiaques.
-
Problèmes digestifs, troubles du sommeil.
-
Dépression et faible estime de soi.
-
4. Les troubles non spécifiés et émergents
D’autres formes de TCA ne répondent pas entièrement aux critères des troubles classiques, mais impliquent une relation problématique avec l’alimentation :
-
Orthorexie : obsession pour une alimentation « saine » à l’extrême, conduisant à des carences et une vie sociale altérée.
-
Diabulimie : chez les diabétiques, manipulation des doses d’insuline pour contrôler le poids.
-
Pica : ingestion compulsive de substances non alimentaires (terre, craie, papier).
-
Syndrome d’alimentation nocturne : consommation excessive de nourriture pendant la nuit.
Origines et facteurs de risque
Les TCA résultent de l’interaction de multiples facteurs biologiques, psychologiques et sociaux :
1. Facteurs biologiques
-
Prédispositions génétiques : antécédents familiaux de TCA ou de troubles de l’humeur.
-
Dysrégulation des neurotransmetteurs, comme la sérotonine, qui joue un rôle dans la régulation de l’appétit et des émotions.
2. Facteurs psychologiques
-
Faible estime de soi, perfectionnisme, besoin de contrôle.
-
Traumatismes (abus, harcèlement, deuil).
-
Anxiété ou dépression sous-jacente.
3. Facteurs socioculturels
-
Pression sociale pour correspondre à des standards de beauté irréalistes.
-
Stigmatisation du surpoids ou valorisation de la minceur.
-
Influence des médias et des réseaux sociaux véhiculant des images corporelles idéalisées.
Conséquences des TCA
Les troubles du comportement alimentaire peuvent avoir des impacts graves, voire mortels, sur la santé physique et mentale. Au-delà des complications médicales déjà mentionnées, ils entraînent :
-
Isolement social en raison de la honte ou de l’évitement des situations impliquant de la nourriture.
-
Difficultés scolaires ou professionnelles dues à la fatigue, à l’anxiété et à la baisse de concentration.
-
Impact sur les relations interpersonnelles, notamment à cause des conflits familiaux ou du secret entourant les comportements alimentaires.
Traitement et prise en charge
La prise en charge des TCA nécessite une approche multidisciplinaire et individualisée impliquant des professionnels de santé mentale, des nutritionnistes et parfois des médecins spécialisés. Le traitement peut inclure :
1. Thérapie psychologique
-
Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : pour identifier et modifier les pensées et comportements dysfonctionnels.
-
Thérapie familiale : particulièrement efficace pour les adolescents, impliquant les proches dans la prise en charge.
-
Thérapie interpersonnelle : pour traiter les difficultés relationnelles liées au TCA.
2. Approche nutritionnelle
-
Réapprendre à manger de manière équilibrée sans culpabilité.
-
Corriger les carences alimentaires et adopter des habitudes alimentaires durables.
3. Traitement médical
-
Surveillance des complications physiques (carences, troubles cardiaques).
-
Prescription d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques si nécessaire.
4. Groupes de soutien
-
Participation à des groupes de parole ou des communautés de soutien pour briser l’isolement.
Les troubles du comportement alimentaire sont des pathologies complexes et multidimensionnelles, qui vont bien au-delà de la simple alimentation. Ils nécessitent une prise en charge adaptée et une compréhension approfondie des causes sous-jacentes. Avec un soutien approprié, les individus atteints de TCA peuvent apprendre à reconstruire une relation saine avec la nourriture et retrouver un équilibre physique et mental.
De l'enfance....
Les troubles du comportement alimentaire peuvent exister chez le bébé et l'enfant. Cependant, avant l'âge de 6 mois, une cause médicale est toujours à rechercher auprès du pédiatre. Les parents se plaignent que leur enfant refuse de manger (en quantité suffisante, refus de manger des aliments solides, de gouter des nouveaux aliments...).
Les blocages d’ordre psychologiques de l'enfant face à la nourriture naissent de l’existence d’un fonctionnement alimentaire problématique en lien avec des réponses inadaptées des parents à ces difficultés (câlins excessifs, menaces, supplications…) qui peuvent venir renforcer le refus de l’enfant à s’ alimenter.
Parmi ces troubles alimentaires chez les enfants, on retrouve les troubles causés par un état de stress post traumatique (lié à une intubation, une sonde nasogastrique, une fausse route, des vomissements...), l'anorexie infantile, les néophobies alimentaires (refus d'ingurgiter tout nouvel aliment inconnu), ceux causés par un trouble de l'attachement mère-enfant (carence affective et pauvreté des échanges avec celle-ci), le mérycisme (régurgitation répétée du bol alimentaire), le syndrome de Pica (absorption répétée d'éléments non alimentaires: craie, terre, savon...) ou encore la coprophagie.
...A l'adolescence et à l'adulte
Les deux grands troubles retrouvées à l'adolescence et à l'age adulte sont l'anorexie et la boulimie. On peut également retrouver une hyperphagie et des variantes hyperphages: l'hyperphagie nocture, les fringales de sucre (souvent lors des dépressions saisonnières), la chocolatomanie ...
Un processus en lien avec l'addiction
Les personnes souffrant d'anorexie ressentiraient une certaine satisfaction et du plaisir dans la privation de nourriture. L'effet coupe-faim lié à la libération d'un peptide (CART) suite à la stimulation de certains récepteurs sérotoninergiques dans une structure spécifique du cerveau (noyau accumbens) qui est habituellement impliqué dans le système de récompense, produirait chez ces personnes un sentiment de plaisir. Ce peptide est également produit lors de la prise de drogue anorexigène (amphétamines ou cocaine).
Ces personnes associent la privation de nourriture au sentiment de plaisir et de récompense sur le long terme. En raison d'une mauvaise régulation de l'activité du noyau caudé notamment, elles tendent à tout planifier dans les détails et éprouveraient des difficultés à vivre dans l'ici et maintenant.
Amaigrissement
Anorexie (désir de maigrir)
Aménorrhée
L'anorexie mentale
L'anorexie mentale se définit par une obsession de grossir, une peur intense de prendre de prendre du poids. Elle peut être restrictive ou être accompagnée de crises de boulimie et/ou rituels de purge.
L' amaigrissement peut aller à une grande perte de poids en quelques mois, avec un effacement des formes féminines par exemple. La nourriture devient une obsession et est soigneusement triée et restreinte. Tout ce qui est en lien avec les repas est ritualisé. Par ailleurs, une aménorrhée (absence de règles) peut apparaitre.
Habituellement, les personnes souffrant d'anorexie mentale méconnaissent la maigreur et ont une perception de l'image du corps érronée. Elles tendent à se voir plus grosses que ce qu'elles sont. On peut retrouver une hyperactivité motrice avec méconnaissance de la fatigue ( exercices physiques à outrance...), un désinvestissement de la sexualité...
La boulimie
La boulimie correspond à des phases répétées durant lesquelles une personne va manger en grandes quantités et de façon incontrôlée, dans un temps court. Elle a souvent l'impression qu'elle ne peut s'en empêcher. Elle a recours après la crise boulimique à des rituels de purge (vomissements, laxatifs...)
Avant l'absorption de nourriture, la personne peut sentir une tension envahissante à la suite d'un évènement, d'une sensation ou d'une pensée (solitude, stress, absorption d'alcool, nourriture, ...).
Après la crise, des symptômes somatiques peuvent apparaitre (nausées, fatigue, maux de tête, maux de ventre...) et surtout une culpabilité forte avec sentiment de dévalorisation ne pas avoir su garder le controle. Les rituels de purge peuvent se mettre alors en place pour atténuer l'angoisse.
Tension préalable
Crise boulimique
Fin de crise
Une mauvaise reconnaissance des émotions et des besoins ?
Il semblerait que les personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire auraient des difficultés pour reconnaitre et décrire leurs émotions et plus généralement leurs états internes (sensations de faim notamment) et auraient tendance à rationnaliser à l'excès ces derniers.
Ceci les amèneraient alors à ne pas répondre à leurs besoins et à faire en fonction de l'environnement (des évènements, des demandes des autres...).
Le schéma perfectionniste, qui ne laisse pas ou peu de place au fantasme et au désir, serait censé les protéger d'une perte de contrôle de soi. En réalité, il tend à creuser l'apparition des accès boulimiques pour "lâcher prise" et renforcer la volonté de contrôle alimentaire.
La perception du corps et la représentation des aliments
En parallèle d'une mauvaise perception des états internes, ces personnes auraient une perception de leur corps erronée mais aussi une mauvaise représentation de l'activité de ce qui se passe au niveau de la digestion. Ces personnes imagineraient un parcours déformé des aliments dans leur corps (un seul organe pour toute la digestion par exemple...), peu dynamique. Parfois elles n'arrivent pas à imaginer ce parcours.
Problématiques familiales
Dans de nombreuses cas, les troubles du comportement alimentaire font l'objet de prise en charge familiale en raison des difficultés d'individuation ressenties par les personnes souffrant de TCA au sein du système familial.